Cuba poursuit sa lente mutation économique

Ni chinois, ni vietnamien, Cuba veut faire émerger son propre modèle de développement économique. Entretien avec le ministre cubain du Commerce extérieur et des investissements étrangers.

À peine sorti de son isolement, en plein dégel de sa relation avec les États-Unis, Cuba fait ses premiers pas à l’étranger. Raul Castro vient d’achever son premier voyage officiel en France. «Visite historique », disent en choeur Français et Cubains. Il faut y voir la mise en œuvre d’une stratégie de diversification des partenaires : « Nous ne voulons pas dépendre d’un seul marché », explique Rodrigo Malmierca Diaz, ministre du Commerce extérieur et des investissements étrangers. « Nous avons été colonisés par les Espagnols, puis dominés par les États-Unis. Le blocus installé, c’est l’Union soviétique qui nous a aidés. À présent, nous cherchons des points d’appui en Asie, en Europe et en Amérique latine. Et lorsque les entreprises américaines viendront, nous ne fermerons aucune porte, mais nous préserverons les équilibres », poursuit-il.
Calendrier incertain
Même si le calendrier de la levée de l’embargo commercial est encore incertain, les premières mesures prises par l’administration Obama ont fait du bien. Mais sont encore insuffisantes. Cuba ne peut ainsi toujours pas libeller ses transactions hors territoire en dollars. Gênant lorsqu’il s’agit de coter des matières premières agricoles dont les cours sont tous exprimés en dollars. De la même manière, aucune parmi les dispositions annoncées n’autorise l’accès des produits cubains au marché américain. Autant de complications qui disparaîtront avec la levée des sanctions commerciales et donnent à Cuba un délai supplémentaire pour peaufiner son ouverture.

«Mise à niveau»
Un long travail «de mise à niveau» s’impose aux responsables politiques de l’ile pour faire évoluer le modèle économique. Un thème qui sera à l’agenda du 7ème congrès du parti communiste, convoqué en avril. « Il marque la continuité des décisions prises lors du précédent congrès en 2011. Nous avons alors édicté 313 grandes lignes pour le développement économique. Pendant cinq ans, nous avons travaillé sur ce schéma », précise Rodrigo Malmierca Diaz.
Aujourd’hui, il faut tirer les leçons de ces expériences pour faire émerger un modèle de croissance propre à Cuba. Ainsi, l’extension des coopératives agricoles à d’autres domaines comme les petites productions, la restauration ou encore le transport va faire l’objet d’un bilan. « Il ne s’agit pas de copier les systèmes chinois ou vietnamien. Nous voulons dessiner notre propre modèle et le faire émerger », poursuit le ministre. Construit autour de deux piliers, la planification « qui doit être plus proche des mécanismes économiques qu’administratifs » et les entreprises d’État qui doivent « gagner en efficacité ». Pour cela, le rôle de l’État dans les firmes publiques doit être séparé de leur gestion. « Nous voulons piloter l’économie comme on conduit une voiture, en respectant le code de la route, en s’arrêtant au feu rouge, en tenant compte des limitations de vitesse ou encore en prenant le sens giratoire sur les rond-points », poursuit le ministre. Il s’agit d’introduire les réformes en douceur.
Taux de change unifié
L’unification des taux de change doit ainsi se faire progressivement, sans pénaliser la population, ni créer d’inflation. À charge aussi pour le 7ème congrès d’avoir une vision à moyen terme. « Nous allons établir un plan de développement d’ici à 2030 », poursuit le ministre, ce qui supposera de définir des domaines prioritaires.
En attendant, Cuba a déjà publié fin 2015, une liste de 326 projets (8 milliards de dollars). «  Nous avons besoin de capitaux étrangers », assure Rodrigo Malmierca Diaz. 96% de l’énergie brûlée provient ainsi des ressources fossiles. En 2030, quelque 24% devraient venir des énergies renouvelables.

Michel De Grandi

Source : LesÉchos.fr

Publié dans Actuel, Cuba, International

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