Cuba reconnait le marché, mais pas le capitalisme

Dans une réforme de sa Constitution, l’ile socialiste poursuit sa transformation économique et reconnait la propriété privée et l’existence d’un marché. Un faux changement, selon les observateurs.

Reconnaitre le rôle du marché et la propriété privée à Cuba, tout en réaffirmant le caractère « socialiste » du système politique, économique et social. En d’autres termes, afficher une ouverture économique sans pour autant changer quoi que ce soit. Tel est le projet de réforme de la Constitution de Cuba, examiné à partir de samedi 21 juillet par l’Assemblée nationale.

Le nouveau texte de 224 articles doit notamment permettre d’attirer les investisseurs étrangers. Pour cela, il reconnait leur « importance pour le développement du pays », et entérine les transformations économiques entreprises depuis 2010 par Raul Castro, chef du Parti communiste cubain (PCC).

Une ouverture économique progressive

L’entrepreneuriat privé emploie désormais 591 000 personnes selon les chiffres officiels, soit 13 % de la population active. Dans le même temps, le gouvernement a soutenu l’installation de zones wi-fi publiques gratuites.

« Que le marché joue un rôle transcendant dans le projet économique et social à Cuba était attendu » dans la nouvelle Constitution, déclare à l’AFP l’avocat constitutionnaliste José Antonio Fernandez.

Des effets limités

« Il s’agit du fruit d’une longue réflexion, explique Olivier Dabène, fondateur et président de l’Observatoire Politique de l’Amérique latine et des Caraïbes (Opalc). Il y a un débat depuis plusieurs années sur la façon accélérer la croissance, et le pouvoir a décidé de recourir aux investisseurs étrangers. »

Mais pour lui, les effets de la mesure sont limités. « Elle a une grande importance symbolique, mais ne va pas changer concrètement l’économie cubaine, souligne-t-il. Le marché est reconnu dans les faits depuis plusieurs années déjà à Cuba ; une loi sur les investissements étrangers a même été adoptée. Les investisseurs attendent aujourd’hui une simplification des règles ».

« Il n’y aura pas de virages capitalistes »

La ligne du gouvernement est « contradictoire », pour Olivier Dabène : « d’un côté, le gouvernement reconnait par la réforme constitutionnelle des différences de revenu et accepte le creusement des inégalités. De l’autre, il régule très fortement le travail indépendant qui émerge dans le secteur du tourisme, parce qu’il est source d’un enrichissement trop important et inégal selon lui ».

« À Cuba, il n’y aura pas de virages capitalistes », a souligné le nouveau président cubain, Miguel Diaz-Canel. En juin dernier, Cuba a suspendu l’octroi des licences pour les travailleurs indépendants. « Cuba ne veut pas tomber dans le piège vietnamien ou chinois d’une économie socialiste de marché, qui creuse rapidement les inégalités, estime Olivier Dabène. Mais l’ile n’arrivera pas à y échapper, et ne pourra que freiner la tendance ». En décembre prochain, le pouvoir doit reprendre les distributions de licences.

Le Parti communiste renforcé

Le nouveau texte constitutionnel réaffirme aussi le « rôle directeur du PCC comme force dirigeante supérieure de la société et de l’État ».

Après l’examen par l’Assemblée Nationale, la population devra adopter le texte par référendum. Le résultat ne fait pas de doutes. Pour Olivier Dabène, « à Cuba, il y a rarement du suspense »…

Raphaël Hasenknopf
Source : LaCroix.com
Publié dans Cuba

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