Cuba: système D contre pénuries après 50 ans d`embargo américain

LA HAVANE (AFP)
Un demi-siècle d’embargo américain a soumis les Cubains à de sérieuses difficultés mais les a également obligés à développer avec succès une "culture de la survie" basée sur l’ingéniosité et le système D.
"Comment croyez-vous qu’on voit encore autant de belles américaines circuler à Cuba ?", s’amuse Yosvany, un mécanicien de 36 ans dont une des spécialités est de pomponner les Chevrolet et autres Cadillac des années 1950 qui rutilent dans les rues de La Havane, au grand bonheur des touristes.
"On leur change tout à l’intérieur", répond-il lui-même.
"Pistons, boîtes de vitesse, freins… On utilise des pièces russes, japonaises, coréennes. S’il faut, on usine les pièces nous-mêmes", résume ce grand gaillard aux yeux bleus, lui-même propriétaire d’une étincelante Dodge 1957.
Le même phénomène s’applique dans tous les secteurs: face à n’importe quel problème technique, les Cubains sont passés maîtres dans l’art de "resolver" (résoudre), un vocable qui s’applique à toutes les circonstances de la vie quotidienne.
Equipements industriels, locomotives, électro-ménager, électronique: l’imagination des Cubains supplée aux importations limitées par le "blocus", comme est appelé à Cuba l’embargo total décrété contre Cuba en février 1962 par le président américain John F. Kennedy et sévèrement renforcé par la suite.
Interdits d’importation, les derniers films d’Hollywood sont souvent présentés, piratés, dans les cinémas du centre de La Havane avant leur commercialisation dans le reste du monde. Les programmes informatiques dernier cri circulent sous le manteau dès leur sortie commerciale.
"Si l’embargo était levé demain, il nous faudrait fermer les cinémas, car nous n’avons pas les moyens d’acheter les films", sourit une fonctionnaire de l’Institut cubain du Cinéma sous couvert d’anonymat.
Technicien d’une brigade d’entretien d’un immeuble de bureaux, Leonel Gutierrez a "des neurones et une boîte à outils". Réparer l’air conditionné, poser de la moquette, réviser les circuits électriques, recycler tout ce qui dans le monde moderne finirait à la poubelle… "Il faut savoir tout faire, parce que c’est pas demain qu’un président américain va lever l’embargo", sourit-il.
Exception notable à l’embargo, le lobby agricole américain a obtenu en 2001 de pouvoir exporter certains produits à Cuba, contre un paiement cash et sans facilité de transport. Grâce à ces exportations alimentaires, les Etats-Unis sont ainsi le 6e partenaire commercial de Cuba.
Mais l’embargo conserve ses aspects négatifs. Au delà de chiffres difficiles à établir de manière fiable – La Havane estime que l’embargo a coûté plus de 104 milliards de dollars au pays -, les effets de l’embargo se font cruellement sentir dans le domaine de la santé.
"On voit les gens mourir autour de nous car ils n’ont pas les bons médicaments", se lamente ainsi Nelson de la Rosa, un économiste à la retraite de 74 ans rencontré par l’AFP à l’Institut d’oncologie de La Havane où il reçoit un traitement contre un cancer de l’estomac.
Selon un rapport officiel, les répercussions de l’embargo sur le secteur de la santé ont coûté, de mai 2010 à avril 2011, 15 millions de dollars en importations sur "des marchés lointains et à des prix accrus".

Depuis 1992, l’embargo américain contre Cuba est condamné chaque année par l’Assemblée générale des Nations unies à une majorité écrasante: en septembre 2011, 186 pays ont condamné le blocus, contre deux (Etats-Unis et Israël) et trois abstentions (Iles Marshall, Micronésie et Palau).

Source : AFP



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Publié dans Blocus

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