Plus de huit millions de Cubains aux urnes.

Plus de huit millions de Cubains ont commencé à voter dimanche pour élire les 612 membres de l’Assemblée nationale lors d’un scrutin qui devrait conduire fin février à la réélection sans surprise du président Raúl Castro.
Les 29’957 bureaux électoraux répartis dans tout le pays ont ouvert à 07h00 locales (12h00 GMT) pour la désignation des 612 membres du parlement cubain, dont le président sortant Raul Castro.
Ce scrutin qui verra aussi l’élection des 1’269 délégués aux quinze assemblées provinciales.
À l’issue de sa mise en place, la nouvelle Assemblée nationale procédera à l’élection du Conseil d’État, organe exécutif suprême, dont la trentaine de membres éliront le 24 février leur président, qui devrait sans surprise être Raúl Castro, pour un second mandat.
Selon de nouvelles dispositions, le scrutin marque pour la première fois depuis un demi-siècle le retour à la limite de deux mandats de cinq ans, de nouveau imposé aux plus hauts responsables du pays.
La génération "historique" au pouvoir depuis l’avènement de la Révolution cubaine en 1959 devrait ainsi partiellement céder la place à une nouvelle génération de dirigeants qui pourraient apparaître au grand jour avec leur élection au Conseil d’État.
Raúl Castro devrait ainsi quitter son poste en 2018.

 


AMAURY E. DEL VALLE

Quelques minutes à peine avant 17 heures ce dimanche, les applaudissements et les cris de joie des personnes rassemblées devant le Bureau de vote n° 1 de la zone 13, circonscription 13 de la municipalité de Plaza de la Révolucion, annonçaient l’arrivée de l’électeur numéro 28.
Le commandant en chef Fidel Castro, le leader historique de la Révolution cubaine faisait son entrée, le pas lent et mesuré, avec son éternel sourire et sa bonne humeur. Il a franchi la rampe d’accès à l’entrée du bureau de vote avec ses deux bulletins en main pour exercer son droit de suffrage à ces élections générales.
Fidel, souriant et affable, a tout de suite plaisanté avec les membres de la table électorale sur l’heure de son arrivée, leur expliquant que lorsqu’on lui avait rappelé qu’il lui fallait voter, il a demandé à venir personnellement exercer son droit de vote.
« L’endroit a un peu changé depuis la dernière fois », a-t-il dit, avant de demander l’autorisation d’aller déposer ses bulletins : l’un dans l’urne des candidats à délégués de l’Assemblée provinciale du Pouvoir populaire, et l’autre dans celle des députés à l’Assemblée nationale.
Il a également bavardé avec les écoliers qui gardaient les urnes, et, remarquant la présence des journalistes de la télévision et les photographes venus couvrir l’événement, il a demandé aux membres de la table électorale de lui laisser quelques minutes pour s’entretenir avec la presse.
Malgré l’heure tardive et la fraîcheur du temps, le chef de la Révolution a discuté pendant environ une heure et demie avec les journalistes et les centaines de personnes qui s’étaient massés à la sortie du Bureau de vote après que la rumeur de la présence de Fidel se soit répandue comme une traînée de poudre.
Réputé par sa vivacité d’esprit et sa mémoire prodigieuse, c’est un Fidel particulièrement loquace, à la fois intervieweur et interviewé, qui a raconté plusieurs anecdotes, citant des données et même des dates, avant d’aborder plusieurs thèmes des économies cubaine et mondiale, de la politique nationale et internationale, de l’histoire passée et présente de l’Amérique latine, des défis auxquels la Cuba actuelle est confrontée, du rôle de la presse, de la nécessité d’éviter les guerres, ainsi que de la nécessité d’améliorer les rendements de notre agriculture, entre autres.
Ce même Fidel que, comme il l’a expliqué maintes fois, beaucoup ont tenté d’assassiner en vain, a plaisanté lorsqu’on lui a demandé pour qui il avait voté : « Pour ne pas enfreindre la loi, je m’abstiendrai de dire pour qui j’ai voté. La seule chose que je puisse vous dire, c’est que j’ai voté pour les femmes, et, bien entendu, pour un nom masculin qui était sur la liste, ceci pour ne pas froisser les hommes… », a-t-il dit en riant.
« Les femmes jouent un rôle de plus en plus important à Cuba, comme dans le monde », a-t-il affirmé après avoir repris son sérieux, devant plusieurs femmes journalistes. « Et il doit en être ainsi », a-t-il souligné.
Revenant aux élections, le leader de la Révolution a échangé les rôles et s’est enquis du nombre de personnes qui avaient déjà voté à ce bureau de vote, du nombre d’électeurs de sa circonscription, ainsi que de la quantité de bureaux électoraux et d’électeurs à l’échelle nationale.
Remarquant l’heure sur sa montre, il a salué la participation des gens aux élections.
« Ici les élections n’ont rien à voir avec celles des États-Unis, où seule une minorité se déplace pour aller voter. Nous ne pouvons pas permettre que cela nous arrive, parce qu’ici c’est le peuple qui décide », a-t-il dit.
À la question d’une autre journaliste sur les changements qui ont lieu actuellement à Cuba, Fidel a rappelé que « la Révolution est le plus grand changement que nous ayons connu. Rien n’est parfait, nous savons aujourd’hui des choses que nous ignorions hier, et il nous faut continuer d’œuvrer au perfectionnement du pays. C’est un devoir pour nous d’actualiser le modèle socialiste cubain, de le moderniser sans commettre d’erreurs ».
Concernant l’avenir, il a attiré l’attention sur la situation dans le monde, la crise que vivent l’Europe et les États-Unis, les taux de chômage élevés et les guerres, l’un des problèmes auxquels il consacre beaucoup de temps, d’énergie et de réflexion.
« Je dispose à présent d’un peu plus de temps pour lire, regarder la télévision et réfléchir. J’en profite pour étudier, pour réfléchir à ces problèmes, car les préoccupations quotidiennes, parfois nombreuses, empêchent les gens d’y penser.
« Je suis de plus en plus convaincu, comme le prouve l’histoire, que les guerres sont presque inévitables à cause des égoïsmes, des ambitions et de l’instinct naturel et sauvage des hommes.
« Nous avons souvent été sur le point d’être entraînés dans une conflagration mondiale, comme lors de la Crise d’Octobre, ou lorsqu’on a menacé d’employer l’arme nucléaire contre nous, alors que nous combattions dans le sud de l’Afrique. Mais les guerres sont différentes quand elles sont entreprises pour une cause juste, pour la liberté ou par solidarité, et nous étions prêts à courir ces risques », a précisé le chef de la Révolution.
Dans cette même ligne de pensée, Fidel, ne manquant jamais une occasion de puiser dans l’histoire, a rappelé que nombre de grandes personnalités doivent leur célébrité aux guerres de conquêtes, tels qu’Alexandre le Grand et Napoléon Bonaparte.
« Seul un homme dans l’histoire devint célèbre pour avoir mené de grandes campagnes militaires, mais au service des peuples. Ce fut Simon Bolivar ». Et d’ajouter : « Il y a eu Bolivar, mais José Marti et Hugo Chavez ont également joué un rôle important pour l’Amérique latine ».
Interrogé sur la santé de son très cher ami vénézuélien en convalescence à Cuba après une opération chirurgicale, Il a dit avoir « tous les jours de ses nouvelles ».
« Il va beaucoup mieux. Cela a été une bataille difficile, mais son état s’est amélioré. Nous nous devons de le guérir. Chavez est très important pour son pays et pour l’Amérique latine », a-t-il poursuivi.
L’entretien a ensuite porté sur le récent Sommet de la Communauté des États latino-américains et caribéens (CELAC).
« Cette réunion constitue un pas important vers l’unité, et Hugo Chavez en a été l’un des principaux artisans », a-t-il affirmé.
Après presque une heure et demi de conversation, au cours de laquelle, sans jamais se départir de sa curiosité ni de son sens de l’observation, il interrogé ses interlocuteurs sur la durée des batterie des magnétophones et sur leur prix, il a remarqué les journalistes sont de plus en plus nombreux à utiliser leurs téléphones portables pour enregistrer les conversations, et il a assuré qu’il s’en servait lui-même pas mal. « Avec un peu d’aide, bien entendu, parce que les lettres des touches sont assez petites ».
Sa soif de connaissances et sa curiosité l’ont ensuite amené à orienter la conversation sur les nouvelles technologies, sur le fait que l’espèce humaine est bien plus ancienne que nous le pensions, sur les voyages d’exploration sur Mars, sur les tentatives pour coloniser cette planète… « Ce sont des sujets auxquels je consacre beaucoup de temps, car je pense que le plus important pour n’importe qui de nos jours, c’est d’être bien informé ».
« C’est pourquoi le rôle que vous jouez est essentiel », a-t-il déclaré aux journalistes. « Il est important de renforcer ses connaissances pour mieux informer les gens. Je ne le dis pas comme une critique, car j’ai beaucoup de respect pour le travail de la presse, mais parce que je suis convaincu que les journalistes représentent une force pour le pays et pour la Révolution ».
Mais, deux phrases ont suffi à lever tous les doutes et constater, comme l’avait signalé Raul, que Fidel reste Fidel.
La première lorsque quelqu’un lui a demandé s’il souhaitait adresser un message au peuple de Cuba. Fidel a regardé le journaliste dans les yeux et a répondu : « Nous avons un peuple courageux. son courage n’est plus à prouver. Cinquante ans de blocus et nous sommes toujours là. J’aimerais juste dire le peuple c’est tout. Sans le peuple nous ne sommes rien. Sans le peuple, il n’y aurait pas de Révolution ».
Et pour conclure, lorsque je lui ai proposé d’adresser message aux jeunes, il m’a regardé de ses yeux malicieux et m’a dit : « Dites-leur que je les envie beaucoup ! »


» http://www.lepoint.fr/monde/cuba-ouverture-du-scrutin-legislatif-marque-par-l-absence-d-opposition-03-02-2013-1623382_24.php
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