Venezuela : guerre économique avec la Colombie

Venezuela: L’attaque du bolivar à Cucuta favorise la contrebande avec la Colombie

par Leonardo Buitrago (AVN)

traduction Françoise Lopez

Caracas, 9 septembre 2015, AVN.

La guerre contre le bolivar qui se développe à partir des bureaux de change colombiens situés sur la frontière du département du Nord de Santander avec le Venezuela, provoque la contrebande et le commerce illégal de produits en territoire colombien.

Ces établissements qui déforment la valeur de la monnaie nationale, jouissent d’un caractère légal puisque en 2000, la Banque de la République de Colombie qui joue le rôle de Banque Centrale, a émis la résolution n° 8 qui autorise l’échange direct de monnaies avec les pays voisins sans passer par le dollar.

Cela établit un double taux de change de monnaies en Colombie : un officiel, établi par la Banque de la République et un autre spécial qui ne s’applique que pour les frontières.

« La Banque de la République de Colombie présente un taux de côte quotidien du bolivar qui oscille entre 231 et 232 pesos mais sur le marché qui appauvrit le bolivar sur la frontière, il a une valeur de 4,9 pesos pour 1 bolivar. Alors que la Banque de la République à Bogota reconnait qu’un bolivar vaut 232 pesos, à Cúcuta et dans la zone frontalière, pour 1 bolivar, on me donne 4 pesos et 90 centavos », explique le membre de l’Association des Colombiens et Colombiennes au Venezuela, Juan Carlos Tanus, dans une interview accordée à la Radio del Sur.

De cette façon, 1’000 bolivars vénézuéliens échangés au taux de la Banque de la République colombienne équivalent à 232’000 pesos mais si on applique le taux 4,9 pesos pour 1 bolivar des bureaux de change de la ville de Cucuta (Nord de Santander), la somme diminue à 4’900 pesos, ce qui représente une différence 227’100 pesos, qui équivalent à un tiers du salaire minimum d’un travailleur colombien (644’350 pesos).

Cette différence abyssale dans la côte du bolivar stimule, en outre, la contrebande illégale de produits vénézuéliens du panier de la ménagère et de combustible dont le prix est subventionné par le Gouvernement Bolivarien.

« En Colombie, un kilo de riz coûte 2’700 pesos mais si nous convertissons au taux de 4,9 bolivars appauvris, on nous donnera 551 bolivars. Avec ce montant, nous pourrions acheter au Venezuela entre 20 et 22 kg de riz. Si ensuite, ces 22 kg de riz partent en Colombie en contrebande et se vendent à 2’700 pesos le kg, les bénéfices sont scandaleux (59’400 pesos). Cette situation, provoquée par la Résolution 8 est ce qui fait perdurer le grand commerce de la contrebande (bachaqueo) », a-t-il expliqué.

Il a dit que les réseaux colombiens non seulement font de la contrebande de produits subventionnés mais avec presque tout ce qui est produit dans le pays ou ce qui est importé avec des dollars préférentiels accordés par l’État. « la cause n’en est pas les prix vénézuéliens. La cause en est le taux de change sur la frontière qui transforme le bolivar en une monnaie de merde », a-t-il dénoncé.

À ce sujet, l’économiste Luis Salas Rodríguez a déclaré que la pratique de la contrebande stimule également la pénurie de produits au Venezuela, en particulier ceux de première nécessité et subventionnés qui « en conséquence sont victimes de spéculation de la part des commerçants vénézuéliens qui veulent faire des bénéfices extraordinaires ».

« C’est là que le dollar entre en action aujourd’hui (marqueur illégal des secteurs spéculatifs qui opèrent depuis Miami pour tromper le contrôle des changes) qui est pris alors par les commerçants comme marqueur de référence pour taxer les prix de tous les biens et services, diminuant encore plus le pouvoir d’achat du bolivar et plaçant le dollar, qui passe pour être la « bonne » monnaie en abandonnant le bolivar malade » a-t-il signalé dans son article « Colombia-Venezuela : une frontière d’exception », publié sur le site www.celag.org.

Contrôle économique sur le Venezuela

Si la Résolution n° 8 est appliquée dans le reste des pays qui sont limitrophes avec la Colombie comme le Pérou, le Brésil, l’Équateur et Panama, pourquoi son action affecte-t-elle seulement le Venezuela?

À ce sujet, Juan Carlos Tanus a considéré que cet instrument légal répond à l’intérêt politique d’obtenir le contrôle économique sur le Venezuela par les secteurs de l’extrême droite internationale qui se proposent d’en finir avec le processus révolutionnaire au Venezuela.

« La Résolution 8 dit avoir été élaborée pour les pays voisins mais quand tu regarde la législation avec le Panama, tu te rends compte qu’un balboa vaut juste un dollar et que la Colombie reconnait qu’un balboa vaut 3’003 pesos, l’équivalent d’un dollar. Avec l’Équateur, l’économie est dollarisée. Il n’y a aucune difficulté pour établir une politique de change. Avec le Pérou et le Brésil, il n’y a pas beaucoup d’échanges commerciaux parce qu’il y a des montagnes et des forets. Cela signifie que la Résolution n° 8 a été conçue exclusivement pour le Venezuela. La Résolution 8 a été approuvée en 2000 dans le cadre du Plan Colombie et justement quand au Venezuela était rédigée une nouvelle constitution et lancées les politiques sociales de la Révolution Bolivarienne qui ont tant dérangé les gouvernements et les oligarchies des États-Unis et de Colombie », a-t-il signalé dans une interview accordée à la Radio del Sur.

Cependant, l’économiste Salas Rodríguez a aussi alerté sur le fait que la Banque de la République de Colombie utilise son taux règlementaire – de 232 pesos par bolivar – pour encourager plusieurs entreprises qui opèrent au Venezuela à déménager en Colombie où elles auraient moins de régulations légales et où elles pourraient payer des salaires plus bas et moins d’avantages sociaux à leurs travailleurs.

« C’est une double tenaille de spéculation contre l’économie nationale’ a signalé Salas pendant une interview accordée à Radio Nacional de Venezuela.

De cette façon – a-t-il signalé – la guerre contre le bolivar cherche non seulement à favoriser la contrebande mais à démanteler l’appareil de production de la nation.

Action des mafias

Le député à l’Assemblée Nationale pour le Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV) Julio Chavez a informé que ces bureaux de change opèrent sous un réseau lié au para-militarisme colombien dirigé par Roiny Chavez qui fut aide de camp de l’ex président Andrés Pastrana sous le mandat de qui a été approuvée la Résolution n° 8.

Il a mentionné Rafael Rodríguez, un personnage qu’on appelle « Le tzar du bolivar », associé au moins à 70 bureaux de change sur la frontière, Ramiro Suárez Corso, ex maire de la ville de Cucuta – condamné à 27 ans de prison pour homicide – et William Villamizar Laguado, actuel gouverneur du Nord de Santander.

Le parlementaire a indiqué que parmi d’autres membres clefs de ce réseau figurent Carlos Eduardo Luna Romero, ex attaché commercial de l’Ambassade de Colombie à Caracas, ex présidente de la Direction de la Chambre de Commerce de Cucuta et actuel candidat à la Mairie de Cucuta pour le Parti Libéral et l’Unité Nationale soutenu par l’ex président Alvaro Uribe Vélez et German Vargas Lleras, vice-président de Colombie.

« La candidature de Luna Romero avec le soutien d’Uribe cherche à renforcer ce réseau de conspiration, de guerre économique contre le Venezuela avec l’appauvrissement du bolivar, a signalé le député Chavez. »

Trois utilisations pour le bolivar

Le président du Parlement vénézuélien, Diosdado Cabello, a dénoncé les trois utilisations que les mafias colombiennes font des billets de bolivar.

Dans son émission Con el Mazo Dando, diffusée par Venezolana de Televisión, il a décrit ce qu’on appelle « l’opération à 3 pattes » qui comprend l’achat avec la vente de 3 billets de 100 bolivars pour un montant de 250 bolivars chacun, ce qui fait un total de 750 bolivars.

Le premier billet est accaparé par des des groupes nord-américains et colombiens qui le gardent pendant 4 ou 5 mois pour forcer le Gouvernement vénézuélien à augmenter l’impression de bolivars pour faire face à la pénurie de monnaie.

Le second billet est échangé dans les bureaux de change de Bogota où sa valeur est de 50 fois supérieure à celle de Cucuta pour ensuite être amené dans cette zone frontalière pour acquérir les produits vénézuéliens qui sont commercialisés dans le cadre de la contrebande.

Pour sa part, le troisième billet retourne en territoire vénézuélien pour acheter de l’essence, des aliments et des produits subventionnés et faire de la contrebande avec la Colombie.

Source en espagnol : AVN.info.ve

Traduction : Françoise Lopez, Cuba-Si France Provence

 

 

Publié dans Actuel, International

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