Le jour où le « Che » a débarqué sur les rives du fleuve Congo

50 ans après sa mort un 9 octobre 1967, l’Afrique ne peut oublier cette date du 24 avril 1965, où Che Guevara débarque rempli de convictions dans l’est de ce qu’est aujourd’hui la République Démocratique du Congo

24 avril 1965, un drôle de spectacle se déroule sur le lac Tanganyika. Des hommes traversent le cœur de l’Afrique centrale, d’est en ouest du port de Kigoma en Tanzanie jusqu’à Kibamba, en RD Congo. C’est le Che et ses hommes – dont beaucoup de Cubains noirs. Que viennent-ils faire dans ce « bourbier » africain tenu par les rebelles Simba (« Lion » en swahili) dont l’un des dirigeants est Laurent-Désiré Kabila, père de l’actuel président Joseph Kabila ? Eh bien Che Guevara est venu avec la mission précise d’exporter en Afrique les méthodes de la guerre révolutionnaire ! Après avoir mis en place l’idéologie puissante de la révolution, Fidel Castro à travers son homme de confiance veut agir. « Il ne s’agit pas d’exporter la révolution, mais de soutenir pratiquement les mouvements révolutionnaires qui ont effectivement l’appui des peuples. », affirmait le Che. Alors que faut-il retenir de cette opération cubaine durant laquelle de puissants liens se sont tissés entre Cuba et l’Afrique post-coloniale ?

C’était il y a cinquante-deux ans. Si cette expédition en RD Congo est connue pour avoir été l’un des plus gros échecs de Cuba en Afrique, et c’est le numéro deux du régime cubain qui l’écrit dans son journal du Congo : « Ceci est l’histoire d’un échec. » Aujourd’hui, l’histoire parait beaucoup plus complexe. Arrivé dans l’espoir de mettre un frein à l’impérialisme américain et au néocolonialisme, le médecin argentin ne sait pas encore que l’ex-Congo belge – immense pays au cœur du continent – n’a pas connu une seule année de paix depuis son indépendance le 30 juin 1960. Non seulement le jeune État congolais n’a connu qu’une sucession de guerres civiles mais en plus il est traversé par une multitude de groupes armés, dont certains sont soutenus par l’ancienne puissance coloniale belge. Ce soutien est très appuyé au Katanga, cette province riche en ressources naturelles minières dont l’uranium et le colbat. Mais au milieu de ce chaos, les deux superpuissances que sont les États-Unis et l’URSS défendent leurs propres intérêts et chacun a son camp.

Le Premier ministre de la jeune nation, Patrice Lumumba, se tourne dans un premier temps vers l’aide des États-unis pour rétablir l’ordre. En vain, dans un monde en Guerre froide, les maladresses ne pardonnent pas et au dernier moment, Lumumba se tourne vers l’URSS. Or, dans le même temps, les Américains ont finalement choisi leur homme au sein du pouvoir congolais : le général Joseph-Désiré Mobutu, chef de l’armée. Patrice Lumumba est assassiné en janvier 1961 dans des conditions qui n’ont toujours pas été élucidées.

Quand Che Guevara et ses hommes débarquent à Kibamba, le contexte est donc très changeant : l’ordre a été rétabli au Katanga même si la situation reste explosive. Et en plus ce que le Che ne sait pas encore, c’est que la rébellion Simba pro-marxiste et pro-Lumumba a déjà éclaté dès 1964, qu’elle ne contrôle plus que deux poches de ce vaste pays à l’est et au centre ! L’ancien procureur du tribunal révolutionnaire de la Havane ne change pas ses plans dans un premier temps. Il attend en fait la venue de Kabila, qui se trouve alors au Caire, puis en Tanzanie. Le Che pense que ce temps va lui permettre de « cubaniser les Congolais » comme il l’écrivait dans son journal. C’est un « chaos organisé », confie l’homme de confiance de La Havane. Désorganisation des hommes armés, méconnaissance des techniques de guérilla, rivalités entre les chefs de guerre, bref, le terreau congolais n’est pas fait pour la révolution. En tout cas cette révolution cubaine. Che Guevara et son détachement quittent le pays le 21 novembre. Trois jours plus tard, Mobutu prend le pouvoir. Trente-deux ans plus tard il sera renversé par Laurent-Désiré Kabila en mai 1997.

Durant ses sept mois de mission en RD Congo, Che Guevara a eu le temps de semer l’idéologie révolutionnaire dans d’autres pays africains qu’il a parcourus et qui ont été extrêmement ouverts à cette vision. Il faut se rappeler ses deux visites phares à Alger en 1963 et 1965. En Égypte ou au Soudan. Mais surtout de son impact en Angola. S’il fallait tirer une leçon de tout cela pour le Congo-Kinshasa, le Che le disait déjà de son temps, « le cas douloureux du Congo, unique dans l’histoire du monde moderne, qui montre de quelle manière on se moque du droit des peuples dans la plus grande impunité. Les énormes richesses que détient le Congo et que les nations impérialistes veulent maintenir sous leur contrôle, sont le motif de tout cela… Tous les hommes libres du monde doivent s’apprêter à venger le crime commis contre le Congo. »

Source : LePoint Afrique

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