Article paru dans l`hebdomadaire Gauchebdo sur l`internationalisme de la Révolution cubaine

Gauchebdo n° 39, 28 septembre 2012
«La Révolution c’est l’unité, l’indépendance, c’est lutter pour nos idéaux de justice, pour Cuba et pour le monde, la base de notre patriotisme, notre socialisme et notre internationalisme», avait déclaré naguère Fidel Castro. Et de fait, l’internationalisme n’est pas un vain mot à Cuba. Un des instruments essentiels de cette politique internationaliste de la Révolution cubaine est l’Institut cubain d’amitié avec les peuples (ICAP), fondé officiellement le 30 décembre 1960, mais dont les bases furent jetées en 1959 déjà, au lendemain de la révolution.
Aujourd’hui, l’ICAP et plus actif que jamais. Pour mieux faire connaître sa politique internationaliste, Gabriel Benitez, représentant de l’ICAP pour l’Europe et Arsenio Rodriguez, journaliste à la Radio Habana Cuba, ont donné une conférence de presse à Genève. Les représentants cubains ont expliqué que le but premier de l’ICAP était d’accueillir ceux qui venaient découvrir Cuba, but qui reste tout aussi important aujourd’hui, lorsque la réalité cubaine est systématiquement déformée à travers la propagande mensongère des médias dans la plupart des pays du monde. Et de fait, ce travail internationaliste persévérant n’a pas été sans effet, car aujourd’hui il y a dans pratiquement tous les pays du monde des groupes de solidarité avec la révolution cubaine, rassemblant des personnes venant des horizons les plus différents, comme dans notre pays l’Association Suisse-Cuba
La tâche principale du mouvement de solidarité avec Cuba est la lutte contre le blocus arbitraire et illégal des Etats- Unis, qui ne peuvent admettre que leur ancien dominion soit un pays souverain. Sous Obama, et malgré les espoirs illusoires que sa campagne en 2008 avait fait naître, le blocus n’a fait que se durcir, ce, alors même qu’il est régulièrement condamné par l’assemblée générale de l’ONU où seuls trois pays le soutiennent: outre les USA, Israël et Palau. Qu’importe, l’Empire se considère au-dessus du droit international. Dans tous les cas, le blocus a des conséquences dramatiques sur l’économie cubaine, qui a besoin d’importer de nombreuses marchandises et matières premières pour pouvoir fonctionner et qui ne peut le faire que difficilement.
L’industrie pharmaceutique de l’île doit, par exemple, se procurer du matériel par voies détournées, avec l’aide de groupes de solidarité, qui vivent sous la menace permanente des groupes radicaux anti-cubains. Mais le blocus n’estpas seulement commercial mais aussi informationnel. Ainsi, dans la plupart des pays du monde, les médias ne diffusent que des informations négatives, pour le moins tendancieuses, la plupart du temps mensongères qui donnent une vision extrêmement déformée de la réalité cubaine. Ainsi les médias parlent sans cesse d’absence de démocratie et n’ont d’yeux que pour quelques soidisant opposants ouvertement payés par l’ambassade des USA, et masquent entièrement, par exemple, le fait que des élections sont en préparation auxquelles tout Cubain, membre du Parti ou pas, peut se présenter ou être présenté.
Du reste, tous les changements intervenus à Cuba depuis la Révolution se sont faits avec le soutien du peuple et sur la base d’une large consultation démocratique.
Une tâche majeure du mouvement de solidarité avec Cuba reste la lutte pour la libération des cinq Cubains emprisonnés aux Etats-Unis pour avoir espionné des groupes terroristes anticubains (protégés par le gouvernement des USA, malgré sa prétendue lutte contre le terrorisme) suite à des procès inéquitables débouchant sur des condamnations arbitraires. Actuellement, l’un de ces cinq Cubains a été libéré, mais ne peut quitter le territoire des Etats-Unis pendant trois ans, un autre pourrait être libéré sous les mêmes conditions, tandis qu’une troisième purge une double peine de perpétuité. On refuse à sa femme l’entrée sur le territoire étasunien. Actuellement, toutes les possibilités de recours sont épuisées, le seul espoir qui reste et l’amnistie présidentielle. Le combat continue.
15’000 étudiants étrangers suivent des cours gratuits, dont 100 Etasuniens pauvres Aussi importante que la solidarité des peuples avec la Révolution cubaine est la solidarité internationaliste de Cuba avec les autres peuples du monde. La contribution de Cuba à la libération de l’Angola et à la lutte contre l’apartheid est largement connue. Aujourd’hui, il y a 154’000 coopérants cubains à l’étranger, dans le cadre d’aides gratuites ou d’échanges, en Amérique latine principalement (44’900 au Venezuela), mais aussi dans des pays africains ou du Moyen-Orient. Comme exemple de cette aide, citons Haïti, où des infirmiers et des médecins cubains étaient présents déjà onze ans avant le tremblement de terre, pas seulement dans les villes, mais aussi et surtout dans les régions reculées que trop souvent les ONG occidentales oublient. En outre, près de 15’000 étudiants étrangers suit gratuitement un cursus universitaire à
Cuba, dont de nombreux étudiants africains et 1’000 pakistanais, mais aussi, fait beaucoup moins connu, 100 étudiants venant de familles pauvres des USA et qui ne peuvent se payer des études dans le système américain privatisé.
Les représentants cubains ont également brièvement abordé la question de l’actualisation du modèle économique en cours à Cuba. Certains secteurs ont été libéralisés, essentiellement l’agriculture, l’artisanat et les services. Certaines petites entreprises pourront plus facilement engager des salariés. Des transactions privées auparavant interdites sont désormais autorisées, comme, par exemple, la vente libre des voitures. Le secteur étatique a été rationalisé et 500’000 employés de l’Etat ont été licenciés par tranches, mais sans hausse du chômage, pour être absorbés pas le secteur privé. Actuellement, l’impact économique de ces changements est positif, la production agricole a augmenté d’une façon appréciable et la gestion des entreprises d’Etat a été améliorée. D’autres changements, comme la suppression de la double monnaie (peso cubain et peso convertible), sont en préparation, mais prendront du temps.
L’avenir dira quel sera le résultat de ces changements sur le socialisme cubain.
Pour l’instant, nous pouvons remarquer que le gouvernement cubain est conscient du caractère fondamental des changements qu’il met en oeuvre et n’avance qu’avec la prudence requise.
Dans tous les cas, il ne s’agit pas, et il ne s’agira pas d’une remise en cause du socialisme. Du reste, la très grande majorité des Cubains ne voudrait pas retourner à un système capitaliste. Il faut dire aussi que l’Etat ne se désengage que de certains secteurs non stratégiques, et l’entreprise socialiste d’Etat reste et restera la forme essentielle de l’économie cubaine. En outre, des restrictions à l’enrichissement individuel ont été mises en place pour pallier aux conséquences non souhaitées de la libéralisation.
ALEXANDER ENILINE 


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Publié dans Actuel

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