Six chiffres qui racontent Cuba

Depuis un demi-siècle, suite à l’embargo décrété par John F. Kennedy le 3 février 1962 en réponse à l’installation de missiles soviétiques sur l’ile, les Cubains doivent se priver de nombre de biens et services. Notamment depuis la chute de l’URSS en 1991, qui portait l’économie du pays à bout de bras. Pourtant, le pays peut afficher quelques statistiques flatteuses en matière de médecine et d’éducation.
1. Un boom du tourisme

3 MILLIONSde visiteurs annuels. Destination touristique majeure avant la révolution, Cuba a brutalement perdu 99 % de ses flux touristiques après la prise de pouvoir de Fidel Castro. Le régime n’a relancé sa politique touristique qu’au milieu des années 1970, avec la création d’un institut national du tourisme et le développement d’infrastructures.

Après avoir retrouvé son niveau d’avant-révolution au cours des années 1980, le nombre de touristes a connu une croissance exponentielle dans la décennie suivante, approchant aujourd’hui les 3 millions de visiteurs annuels.

Si les Etats-Uniens sont chaque année plus nombreux à fouler le sol cubain, grâce à un assouplissement des restrictions américaines, ils ne représentent officiellement que 3 % des touristes. Le contingent le plus nombreux reste canadien, avec plus d’un million de touristes chaque année.

2. Une croissance régulière, mais faible

3 %C’est  la croissance annuelle du PIB cubain. L’assouplissement de l’embargo américain va représenter un véritable bol d’air pour l’économie cubaine. Le produit intérieur brut du pays, qui n’augmentait que très lentement, a connu un petit « boom » entre 2006 et 2008, après l’arrivée au pouvoir de Raul Castro et la mise en œuvre de quelques réformes économiques, notamment pour stimuler le petit commerce privé. Mais les effets à plus long terme se font attendre et le pays connait depuis plusieurs années une croissance inférieure à 3 %, en deçà de l’objectif du gouvernement.

Bien qu’ayant doublé au cours des dix dernières années, notamment du fait du tourisme, le PIB par habitant reste faible, loin derrière le Brésil, la Colombie ou le Costa Rica. Avec 6’051 dollars par habitant en 2011 (4’900 euros), il est deux fois moindre que celui de son grand voisin brésilien, par exemple.

Le pays connait néanmoins toujours des difficultés. Depuis un demi-siècle, les Cubains ont ainsi des « livrets d’approvisionnement », qui garantissent à chaque habitant et à très bas prix une quantité de nourriture, mensuellement : 3,15 kg de riz, une demi-bouteille d’huile…
3. Une population aux revenus modestes, mais bien soignée

Le salaire moyen à Cuba était, en 2012, de 19 dollars par mois. Cuba est le seul pays au monde à émettre deux monnaies : le CUP, Peso national, non convertible, qui est la monnaie dans laquelle sont payés les salaires, et le CUC, Peso convertible en d’autres devises, indexé sur le dollar, qui est principalement la monnaie des touristes et de l’industrie touristique. Un CUC vaut 24 CUP. Ce système fait qu’à Cuba, il y a un gouffre entre le niveau de vie de deux mondes parallèles : celui des touristes et des magasins, restaurants, activités à destination des touristes, relativement cher, et celui du reste de la population, relativement bas. C’est ainsi qu’à Cuba, un chauffeur de taxi gagne bien mieux sa vie qu’un médecin. Et que nombreux sont les professeurs, pharmaciens ou ingénieurs qui se sont reconvertis ces dernières années dans l’accueil des touristes « chez l’habitant ».

79 ANSC’est l’espérance de vie à la naissance. Le système de santé publique est considéré comme l’une des réussites du « socialisme » cubain.

En 2012, l’espérance de vie à la naissance s’élevait à 79 ans, selon des dernières données de la Banque mondiale, soit 5 ans de plus que la moyenne de la zone Amérique latine et Caraïbes et égale à celle des… Etats-Unis, ce qui place l’ile à des niveaux équivalents aux pays à revenu élevé de l’OCDE. Le pays peut compter sur un maillage serré, avec, par exemple, un médecin généraliste pour 151 habitants (299 en France).

Les Cubains ont cependant des difficultés dans l’accès à certains traitements, notamment de maladies graves comme le cancer, quand ceux-ci sont principalement développés par des laboratoires américains. Ce qui a, entre autres, poussé le pays à développer une industrie pharmaceutique nationale.

Autre caractéristique du système de santé cubain : la diplomatie médicale. Depuis 1960, l’ile n’a cessé d’envoyer des personnels médicaux en soutien à des pays « amis » ou au service d’une coopération Sud-Sud. Aujourd’hui, ils seraient près de 50’000 en « missions » dans 66 pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, selon le ministère de la santé cubain – dont 32’000 au Vénézuela. Enfin, l’ile a annoncé l’envoi de 460 médecins en Sierra LeoneGuinée et Liberia pour lutter contre le virus Ebola.
4. Guantanamo, enclave américaine

4 085 DOLLARSLe prix de Guantanamo : En 1895, un mouvement indépendantiste mené par le révolutionnaire José Marti soulève Cuba contre le joug espagnol. Trois ans après, la guerre fait rage et les Etats-Unis décident d’intervenir pour défendre leurs intérêts (privant les indépendantistes cubains d’une victoire proche). L’Espagne capitule, l’indépendance de l’ile est proclamée en 1902, mais un lien spécial est conservé avec les Etats-Unis, qui ont notamment un droit d’intervention pour « préserver l’indépendance » de l’ile, un droit de regard sur sa diplomatie et ses finances et la concession de la base navale de Guantanamo.

Un traité en 1903 établi entre les deux pays régit les conditions du « bail » de location de cette parcelle de 120 km2 à l’extrémité sud-est de l’ile, sans limite de temps, et au prix dérisoire de « deux mille dollars en monnaie d’or des Etats-Unis ». La somme a été portée à 4’085 dollars en 1934. C’est le montant du chèque versé chaque année depuis par les Etats-Unis pour la base navale. Mais le gouvernement a mis un point d’honneur à ne jamais l’encaisser, sauf une fois, par erreur.

1,7 MILLIONSans surprise étant donné la proximité géographique, les Cubains sont particulièrement nombreux aux États-Unis. Selon le recensement de 2010, les personnes d’origine cubaine étaient 1,7 million (y-compris ceux nés aux États-Unis !), représentant la troisième nationalité la plus représentée au sein du groupe hispanique (derrière les Mexicains et les Porto Ricains).

5. Lada hors d’âge et Peugeot hors de prix

L’importation de véhicules par des particuliers a été interdite au début des années 1960, à de rares exceptions près, ce qui a créé à Cuba un curieux paysage automobile où se côtoient les américaines des années 1950, les Lada et Moskovich importées d’URSS dans les années 1970 et 1980 et les véhicules modernes, souvent asiatiques, importés par l’Etat. En l’absence de tout chiffre officiel sur le parc automobile cubain, les spécialistes estiment à environ 60’000 le nombre de voitures américaines qui circulent dans l’île, soit un tiers des véhicules, un autre tiers étant constitué des voitures soviétiques, et le dernier de voitures plus récentes.

L’importation a été rouverte il y a tout juste un an mais à des prix astronomiques : Une Peugeot 4008 était ainsi affichée à 239’500 dollars (195’100 euros) chez un concessionnaire de La Havane, alors que la marque française offre un prix catalogue de base de 34’150 euros (46’000 dollars).
6. Internet : embargo ou censure du régime ?

L’isolement cubain est particulièrement flagrant dans un domaine où les Etats-Unis excellent : les télécommunications. Selon l’ONG américaine Freedom House, seuls 26 % des Cubains sont aujourd’hui connectés à Internet. Mais leur usage se limite peu ou prou à une sorte d’Intranet national, où les principaux services (mail, encyclopédie, information) sont contrôlés par le gouvernement. Seuls 3 à 10 % des habitants auraient librement accès à l’ensemble du réseau, au sein des institutions, des ambassades ou en achetant au marché noir des cartes le permettant.

Plusieurs problématiques techniques ont rendu la connexion à la fois compliquée, lente et onéreuse : jusqu’à 2012, Cuba était tenue à l’écart du réseau mondial des câbles sous-marins qui constitue la colonne vertébrale d’Internet. Le pays devait se contenter exclusivement de la connexion satellite, plus chère et plus lente puisque la fibre optique lui était interdite par l’embargo américain – alors même que le câble reliant Miami à Cancun (Mexique) passe à seulement 30 kilomètres de ses côtes.

Les câbles de télécommunication sous-marins autour de l'île de Cuba.
Les câbles de télécommunication sous-marins autour de l’ile de Cuba. | Telegeography

La mise en service du câble Alba-1 (la reliant à la Jamaïque et au Venezuela) et l’assouplissement récent du monopole public sur les télécommunications lui ont permis d’espérer être enfin « en ligne avec le monde », comme le proclame le slogan de la firme publique Entel. Mais la levée des restrictions américaines sur ses propres entreprises, annoncée par l’administration américaine dans la foulée des discours de Barack Obama et Raul Castro, a toutes les chances d’être beaucoup plus efficace.

Si le prix des communications téléphoniques a plongé en quelques années, une heure de connexion à Internet représente encore le cinquième du salaire minimum mensuel, alors qu’il faut près de vingt mois de travail à un Cubain moyen pour s’offrir un ordinateur.




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Publié dans Actuel

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